Cas pratique : l’Audiencia Nacional

La judiciarisation du processus d’indépendance de la Catalogne et son internationalisation ont mis en exergue la confusion qui règne chez les traducteurs et de nombreux journalistes de la presse écrite à l’heure de traduire le nom des juridictions.

Le cas de l’Audiencia Nacional

Cette juridiction espagnole est régie au chapitre II, titre IV, livre I, articles 62 à 69, de la loi organique 6/1985 du 1er juillet 1985 relative au pouvoir judiciaire (Ley Orgánica 6/1985, de 1 de julio, del Poder Judicial).

L’Audiencia Nacional siège à Madrid.

Ressort : juridiction nationale.

Organisation : 4 chambres. Chambre d’appel, chambre pénale, chambre du contentieux administratif et chambre sociale.

Constat. Traduire « Audiencia Nacional » par « Audience Nationale » c’est trahir le droit et ajouter un non-sens à la confusion. En effet, cette traduction, telle qu’on la trouve dans de nombreux articles de presse et dans certaines traductions, nuit à l’original, à sa forme, à son sens et à sa lettre. Elle est aléatoire, infidèle et paresseuse.

Ce choix de traduction (Audience Nationale) pourrait avoir un sens si l’on y ajoutait une note de la traductrice ou du traducteur [NDT] ou une note de la rédaction [NDLR] dont le contenu pourrait être le suivant[1] :

« Cette juridiction s’organise en quatre chambres (chambre d’appel, chambre pénale, chambre du contentieux administratif et chambre sociale). Composition : un président, les présidents des chambres et un nombre de juges fixé par la loi. La chambre pénale juge les délits particulièrement graves, connaît des délits commis à l’étranger et de l’exécution des décisions rendues par les juridictions étrangères. Elle statue sur les recours contre les « juzgados centrales de instrucción » et les « juzgados centrales de lo penal ». La chambre du contentieux administratif juge les recours contre les actes émanant des ministres et secrétaires d’État. La chambre sociale est compétente en matière de conflits collectifs du travail et de conventions collectives de travail. La chambre d’appel (créée par la loi organique 19/2003) se prononce sur les recours contre les arrêts rendus par la chambre pénale. »

Une telle note est presque toujours ignorée. Paresse ? Méconnaissance ? Le lecteur francophone nage alors en pleine confusion. L’Audience Nationale ? Quésaco ?

Opinion. Je ne traduis jamais le nom des juridictions lorsqu’elles n’ont pas leur équivalent parfait dans la langue de destination. Le Tribunal Constitucional peut, par exemple, aisément être traduit par Conseil constitutionnel ou Tribunal constitutionnel, dans la mesure où ces deux juridictions, l’une espagnole, l’autre française, ont les mêmes compétences.

La question qui se pose ici est celle de la connaissance des institutions judiciaires du pays de la langue de départ, l’Espagne dans le présent cas pratique.

Traduire fidèlement exige de faire les recherches en amont, avant d’oser toute comparaison hasardeuse et toute traduction farfelue. L’Audiencia Nacional n’est pas une cour d’appel, elle n’est pas non plus l’Audience Nationale, elle n’admet aucune traduction fidèle dans la langue française car elle n’a pas son pendant dans nos institutions judiciaires.

Conclusion. L’original constitue toujours le point de référence. En ignorant l’original, votre traduction n’est ni fidèle, ni objective. Elle est donc hasardeuse, confuse et inappropriée.

Christelle Dauvergne, Jurilangue

[1] http://iate.europa.eu/FindTermsByLilId.do?lilId=767693&langId=fr, définition à laquelle j’apporte des modifications.